#LaRésistance doit être plus inclusive

Alex Tétreault

Je ressens un profond malaise depuis le jeudi noir envers le mouvement franco-ontarien. L’utilisation du mot « résistance » pour décrire la mobilisation des francophones contre le gouvernement Ford me tracasse depuis que l’AFO aie annoncé son hashtag. Le mot évoque un mouvement guérilla qui s’oppose à un gouvernement autoritaire répressif et violent ou une prise de conscience par rapport au traitement de la femme dans une société patriarcale. Il ne serait pas un brin trop exagéré dans notre contexte? Avec un peu de recul, est-ce que notre mouvement de résistance perd un peu de crédibilité?

Bien sûr, la communauté franco ontarienne a lutté depuis longtemps pour se rendre où elle est, mais son discours revendicateur, visiblement dépourvu de diversité, semble détonner avec la réalité. Nous avons raison de revendiquer, même le devoir de le faire, mais nous ne sommes pas les seuls à lutter en ce moment. Plusieurs groupes résistent beaucoup plus fort depuis beaucoup plus longtemps, des groupes dont nous avons nous mêmes contribué à l’oppression. Alors que nous sommes caméléons linguistiques (je ne sais plus combien de fois on est surpris d’apprendre que ma langue maternelle est le français), ces groupes n’ont pas le luxe de pouvoir se camoufler.

Ces groupes ont quand même manifesté avec nous samedi. J’ai vu des manifestants trans, autochtones, provenant des communautés ethnoculturelles, une panoplie de gens qui, malgré la discrimination à laquelle ils font face, sont venus nous appuyer, malgré que nous n’avons rien fait lorsqu’il était question de leurs droits ou de leur existence même. Il me semble étrange qu’on ne se réveille qu’au moment où nos propres droits sont en jeu. Nous avons beau penser qu’un francophone est simplement un francophone, mais c’est plus compliqué que ça. Dans tous les gens, il y a des identités qui se mêlent, qui s’entrecroisent. Ces identités intersectionnelles créent des noeuds de complexité à travers la société et dans notre communauté qui nous demandent un regard plus holistique sur la personne. La langue et l’héritage culturel ne sont qu’une petite partie de ce qui nous définit, ce qui se voyait dans la foule, infiniment plus diversifiée que le discours.

Nous, les Franco-Ontariens, sommes minoritaires, mais nous bénéficions tout de même d’institutions, de protections légales et d’un ancrage communautaire auxquels plusieurs autres groupes vulnérables n’ont pas accès. Ce n’est pas pour dire que nos revendications sont moins importantes, ni que nous sommes moins ciblés par ce gouvernement. Mais, comme il était clair samedi dernier, nous avons la capacité de se mobiliser. Nous avons la responsabilité sociale d’appuyer les groupes qui n’ont pas les mêmes moyens que nous.

C’est pourquoi la vénération d’Amanda Simard me tracasse autant. Oui, elle est montée aux barricades pour la cause franco-ontarienne, mais n’en a pas fait autant pour les autres groupes qui ont mangés des claques depuis juin de la part de ses compatriotes idéologues. Nous devons être plus exigeants et sélectifs en ce qui vient à nos représentants. Pour les francophones trans, en précarité économique ou autochtones, elle n’est pas forcément la porte parole idéale et lui chanter des louanges ne fait qu’aliéner les francophones faisant partie également de ces autres groupes vulnérables. Nous devons faire preuve de plus d’empathie que le gouvernement et ses partisans, sinon la bataille est déjà perdue.

Nous avons longtemps démontré que nous sommes une puissante force politique, mais nous allons devoir nous poser de grandes questions et avoir cette discussion avant que l’énergie collective ne se dissipe. Nous devons commencer à consulter et collaborer et crier haut et fort avec nos frères et sœurs dans l’adversité. Imaginez, une vague de manifestants de tous les pays d’origines, de toutes les langues, de toutes les strates économiques, de tous les genres et orientations, de toute la diversité que notre société nous offre. Une résistance plus inclusive, pancommunautaire, plus diversifiée et intersectionnelle sera encore plus difficile à ignorer, surtout que ce serait une maudite belle chose à voir et un encore plus gros signe à Doug qu’il n’aura pas le mandat facile. Ou bien, on peut se contenter de rester dans notre coin et faire comme on fait d’habitude. C’est notre choix, mais avec au moins un autre trois ans et demi de ces niaiseries à l’horizon, on va devoir penser un peu plus grand.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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