Laurentienne 2.0 : entre craintes et espoir d’une restructuration
Après 60 bonnes années d’existence, l’Université Laurentienne est à un tournant difficile de son histoire. Le 1er février 2021, les étudiantes et étudiants ont appris que leur université amorce une procédure judiciaire en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). Cette nouvelle est tombée comme un couperet au sein de la population universitaire en proie au stress depuis la suspension des cours sur le campus du fait de la COVID-19 en mars 2020.
« Je vous adresse aujourd’hui [1er février 2021] un message difficile, quoique tout de même optimiste. L’Université Laurentienne a entamé une procédure de restructuration sous supervision judiciaire en vertu de la réglementation fédérale. Cela ne changera rien aux activités quotidiennes de l’Université, pas plus qu’à l’expérience d’apprentissage qui définit notre établissement. Toutes les décisions qui sont prises continueront d’être prises dans le cours ordinaire et seront prises dans l’intérêt de ceux qui comptent sur nous pour offrir une éducation de qualité », a déclaré Robert Haché, recteur de l’Université Laurentienne, dans un long message publié sur le site web de l’Institution.
Malgré l’assurance donnée par M. Haché, il n’en fallut pas plus pour que La Laurentienne fasse la une des journaux. Et ce qui saute aux yeux le plus, c’est la crainte qu’on plusieurs membres de la population universitaire ainsi que des parents d’étudiant.e.s. À lire certaines personnes sur les réseaux sociaux, des programmes risques d’être fermés. Ce qui pourrait avoir un impact sur la population étudiante et le corps professoral si l’on en croit ces personnes. Mais quels programmes sont visés?
Vers la fermeture de programmes ?
Ces inquiétudes sont partagées par le Gouvernement étudiant de l’École des sciences de l’Éducation (Geese) qui se dit « surpris » par la procédure de restructuration de la Laurentienne. Tout en mettant en avant le « stress » que vivrait certain(e)s étudiant(e)s face à l’incertitude de cette situation, le premier ministre du Geese précise que son bureau n’est pas familier avec tous les détails ayant conduit à la mise sous contrôle judiciaire de la Laurentienne. « Mais, fait valoir Pierre-claver Atta, nous espérons que cette situation n'aura pas d'impact sur les services reçus par les étudiants(e)s et particulièrement les programmes francophones ».
Même son de cloche du côté des étudiants internationaux vivant dans les résidences. En apprenant que l’université laurentienne a décidé de se placer sous la protection de la loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, cela semble « semer la panique » chez les étudiants présents sur le campus. Selon Mohammed El Mendri, délégué des étudiant(e)s internationaux, « plusieurs étudiants s’inquiètent de l’avenir du personnel et des Universités et Résidences fédérer auxquelles ils ont accès ». Il soutient que « les étudiants internationaux, surtout les francophones, sont au cœur de cette crise et seront très affectés par les décisions qui seront appliquées ».
Tout comme le Geese, certain(e)s étudiant(e)s internationaux s’inquiètent de la fermeture éventuelle de leur programme et de « l’avenir de l’éducation francophone dans le nord de l’Ontario ». Quand d’autres émettent « des craintes sur la qualité et la diversité des cours » qui seront offerts les prochaines années. « Mais je pense, sincèrement, que les étudiants internationaux portent toutes ces inquiétudes en eux », a affirmé Mohamed El Mendri. Non sans s’interroger sur l’avenir de la fédération Laurentienne.
D’où vient l’insolvabilité de la Laurentienne
Alors que les uns et les autres se demandent « comment cette dette a pu s’accumuler sans que les conséquences en soient prévues », dans son message, le recteur a expliqué qu’« un certain nombre de développements au cours de la dernière décennie ont mis une pression accrue sur la santé opérationnelle et financière de l’Université ». Ces difficultés, poursuit Robert Haché, sont de plusieurs ordres, comme des déficits récurrents, le déclin démographique enregistré dans le Nord de l’Ontario, la fermeture du campus Barrie en 2016, la réduction et le gel des frais de scolarité des étudiants canadiens imposés en 2019 et, plus récemment, une augmentation des coûts et une diminution des recettes dues à la pandémie.
« Il ne faut pas oublier qu’un étudiant international paye en moyenne trois fois les dépenses d’un étudiant local. Ces étudiants viennent d’un autre pays que le Canada pour effectuer leurs études. Il est primordial que tous les étudiants, y compris les étudiants internationaux reçoivent un service de qualités et à la hauteur justifiant réellement se voyage vers la Laurentienne. » - Mohammed El Mendri, inscrit en droit et justice, délégué des étudiant(e)s internationaux vivant dans les résidences de l’Université de Sudbury
Conscient des inquiétudes, plusieurs leaders étudiants sont montés au créneau pour tenter de rassurer leurs pairs. Dans un communiqué conjoint, l’Association des étudiantes et étudiants Francophones (Aef), l’Association des étudiants aux études supérieures (Aees) et la Student General Association (Sga) ont déclaré que « ces procédures de restructuration n’auront pas d’impact sur votre capacité à poursuivre et terminer vos cours ». S’ils s’accordent à dire que « les cours se poursuivront comme d’habitude ce trimestre », ces responsables estudiantins soutiennent également que ce “changement” permettra à l’Université d’être « financièrement viable » pour les années à venir et « émerge comme une Université encore plus forte pour ses étudiants ».
Personnel et enseignants en ligne de mire?
Cependant, l’Aef, l’Aees et la Sga réconnaissent que la mise sous contrôle judiciaire de la Laurentienne pourrait avoir « un impact sur la vie du personnel et du corps professoral de la Laurentienne ». Une raison de plus pour ces associations d’exhorter les étudiantes et étudiantes à « faire preuve de compassion » à l’égard de leur expérience en ces temps difficiles.
« La Laurentienne fait face à des défis financiers sans précédent et sa santé financière est parmi les plus faibles de la province. La pandémie actuelle de COVID-19 a aggravé ces problèmes, ce qui rend de plus en plus difficile pour l’administration de l’université de gérer les défis financiers. » - déclaration des leaders étudiants (Aef, Aees, Sga).
« On a l’impression que la Laurentienne a été poussée dans un coin. Il y a lieu de prendre des actions nécessaires », a martelé Simon Paquette, président de l’Aef. Il promet de se ‘’battre’’ aux côtés des autres leaders étudiants afin de « s’assurer qu’aucun étudiant ne soit laissé de côté ». En attendant, Simon encourage les membres de son association à « rester concentrer » sur leur cours, les travaux et les examens à venir.
Un « plan stimulant » pour une « santé financière viable »
Dans les prochains jours, un plan stimulant nommé « Laurentienne 2.0 » devrait donner une lisibilité claire sur l’avenir de la première université du nord de l’Ontario. Dans un second message en date du 5 février, le recteur de l’Université fait valoir que la « Laurentienne 2.0 » apportera « une expérience étudiante et un enseignement encore meilleur ». Il a indiqué que « les étudiants de la Laurentienne, dont la plupart sont les premiers de leur famille à faire des études universitaires, méritent que notre université du Nord tienne sa promesse ».
« Nous formons la prochaine génération de personnel infirmier, d’ingénieurs, de scientifiques, d’innovateurs et d’artistes. Nous effectuons de la recherche et des activités savantes de pointe qui ouvrent de nouvelles pistes. Nous construisons des mouvements sociaux et transformons les communautés. Et nous faisons tout cela dans une communauté très diversifiée et multiculturelle qui célèbre les cultures autochtone et francophone. Ces qualités que la Laurentienne encourage valent la peine d’être défendues. Et vous êtes digne de chaque possibilité de poursuivre vos études dans nos locaux vénérables. » - Robert Haché, Ph.D., Recteur et vice-chancelier
Sachant que les inquiétudes des uns et des autres vont crescendo depuis le 1er février, sur l’avenir de l’Université Laurentienne et les programmes. Le recteur a tenu à rassurer de ce que les autorités universitaires écoutent « tout ce qui se dit » afin de continuer à mettre à jour la foire aux questions (FAQ) pour la population étudiante à www.laurentianu.info. « Nous voulons aussi vous encourager à demeurer en contact avec vos leaders étudiants qui sont une précieuse ressource en première ligne sur cette question », a conclu Robert Haché.
Rappelons que depuis sa fondation en 1960, la Laurentienne s’est résolue à « offrir un enseignement de qualité supérieure » à la collectivité de Sudbury et du Nord de l’Ontario. Sa « réputation d’université de premier plan » continue de s’étendre dans le Nord de l’Ontario, tout comme sa « reconnaissance à l’échelle internationale ». D’ailleurs, le taux de diplomation de l’Université Laurentienne est parmi les meilleurs de la province ontarienne.