«L’Université de Sudbury est la seule solution fiable pour les programmes francophones de la Laurentienne» — Thierry Bissonnette

Thierry Bissonnette. Photo : Gabrielle Noël de Tilly

Un ancien professeur de l’Université Laurentienne, Thierry Bissonnette, revient sur sa carrière de près de 14 ans dans le département d’Études françaises et pourquoi il croit que l’Université de Sudbury est la «seule solution fiable pour les programmes francophones».

Pour M. Bissonnette, aussi connu sous le nom de plume Thierry Dimanche, être congédié par l’université a été un des plus grands chocs de sa vie. Arrivé en 2007, il était finalement au «sommet de ma carrière. […] Rendu dans la fin de ma quarantaine, je ne m’attendais pas de faire une réorientation de carrière dans ce point de ma vie», souligne-t-il.

M. Bissonnette avait gagné le titre de professeur titulaire peu de temps avant d’être congédié. «C’est le troisième échelon — tu es plus que permanent. Tu as la pleine liberté académique. Je ne le savais pas, que des professeurs titulaires pouvaient se faire congédier aussi facilement. J’avais pensé qu’au Canada, c’était intouchable», dit-il.

Une «bataille de perceptions»

Huit mois plus tard, M. Bissonnette n’arrive toujours pas à comprendre le raisonnement de la Laurentienne derrière la suppression de tant de programmes.

«L’argument qui avait été donné était que les programmes [supprimés] avaient zéro à cinq inscriptions. Dans un programme comme le nôtre, c’est vrai qu’il n’y avait pas beaucoup de monde qui était spécialisé et qui faisait tout leur baccalauréat avec nous. Mais, comme on avait refait les cours de manière interdisciplinaire, il avait un nombre stable et même croissant d’étudiants», explique-t-il.

Il dit également que ledit raisonnement ne justifie pas de supprimer autant de programmes culturellement importants. «Je ne m’imaginais pas qu’on pouvait éliminer autant de programmes francophones et des programmes clés de l’identité francophone de la Laurentienne, comme Études françaises, Histoire, Théâtre, Sciences politiques, Philosophie et même Indigenous Studies en anglais. Pour moi, c’était des piliers de la Laurentienne. C’est très difficile à comprendre, ajoute-t-il. Quand la guillotine a passé, eh bien, notre tête dépassait, francophone ou pas. Peu importe le type du programme ou le lien avec la communauté.»

L’ancien professeur souligne que la suppression des programmes dans les humanités et les arts affectera très certainement le développement culturel de la région, notamment la nouvelle Place des Arts qui doit ouvrir dans les prochains mois.

«On prétend que le lien avec la communauté francophone est très important. Il y a vraiment un grand sentiment d’avoir laissé tomber la communauté. J’ai vraiment de la sympathie pour ceux qui s’occupent de la Place des Arts en ce moment. […] La communauté était déjà sur la défensive et, maintenant, cela est arrivé», dit-il.

L’Université de Sudbury est «la seule solution fiable»

Les cris de la communauté se sont fait entendre haut et fort au cours des derniers mois : la Laurentienne a perdu la confiance des francophones. Entre en scène l’Université de Sudbury (UdeS) qui clame depuis des mois que la Laurentienne devrait lui céder ses programmes francophones puisqu'elle est une institution purement par et pour les francophones.

L’écrivain a bon espoir que l’UdeS obtiendra éventuellement les programmes francophones de la Laurentienne. «C’est la seule solution fiable. […] Je pense que la francophonie à la Laurentienne est condamnée», dit-il.

M. Bissonnette croit sincèrement que la Laurentienne a mis de côté son mandat triculturel ainsi que d’être une institution digne de l’esprit critique et de l’apprentissage supérieur. «J’ai comme l’impression qu’on a mis la croix sur une certaine mission de l’Université Laurentienne; on a décidé de faire une autre sorte d’université sans le dire explicitement. […] Si on veut faire une université 2.0 sans esprit critique, soyons honnête et disons-le», exclame-t-il.

Une «histoire d’horreur»

Le professeur de littérature française a partagé que le licenciement du personnel aurait pu se faire avec plus de sympathie et avec plus de cœur. En général, «c’était très impersonnel. Dans mon cas, la personne qui nous parlait est partie sans nous saluer quand on lui demandait certaines réponses. La personne a lu un texte et est partie, explique-t-il. Les professeurs sont une partie intégrante [des universités]. On s’est fait flusher juste comme ça en vidéoconférence; c’est un manque de classe.»

La confusion de ne pas savoir quoi faire ensuite a frappé des dizaines de personnes qui ont été licenciées par l’institution. Certains ont dû soit prendre une retraite anticipée, soit trouver des carrières différentes. Pour Thierry Bissonnette, «c’est certain que je suis très frustré d’avoir perdu un emploi qui sera très difficile à remplacer à mon âge et avec ma spécialité. Je ne retrouverai pas l’équivalent rapidement ou jamais», croit-il.

Philippe Mathieu

Philippe Mathieu est le président du conseil d’administration de L’Orignal déchaîné. Il était auparavant le rédacteur en chef pour ce journal étudiant francophone de septembre 2021 à mars 2022.

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