Le grand déballage de la doyenne Brogden sur l’École des sciences de l’éducation de la Laurentienne
Lace Marie Brogden, doyenne fondatrice de la Faculté d’éducation de l’Université Laurentienne. 📸 Nash Brogden
Lace Marie Brogden, PhD, est la doyenne fondatrice de la Faculté d’éducation de l’Université Laurentienne. Aux commandes de deux écoles (francophone et anglophone) depuis 2016, elle a accepté d’aborder plusieurs sujets brulants sur la formation initiale en enseignement à l’École des sciences de l’éducation à l’ère de la COVID-19. Qu’il s’agisse du nouveau Test de compétence en mathématique (TCM), de la tenue des stages, de la reconnaissance des diplômes des ‘’nouveaux arrivants’’, du gouvernement étudiant, des objectifs de carrière des étudiants et des ambitions de l’École des sciences de l’Éducation, Mme Brogden se prononce sans détour. Entretien exclusif…
172. C’est l’effectif total des étudiants inscrits pour l’année 2020-2021 à l’École des sciences de l’éducation contre 164 étudiants l’année précédente. En plus du programme consécutif qui totalise 143 étudiants, dont 73 en 2e année, 70 en 1re année, deux nouvelles voies d’études viennent de s’ajouter à l’offre de formation. Il s’agit de la voie hybride qui compte neuf étudiants et la voie concomitante qui enregistre 20 étudiants. « Je tiens à préciser que les deux nouvelles voies (hybride et concomitante) sont au stade de projet pilote. Nous attendons de confirmer le financement continu de ces parcours », précise la doyenne fondatrice de la Faculté d’éducation.
Lace Marie Brogden, puisque c’est elle qu’il s’agit, n’est plus à présenter dans le milieu éducatif. De la Saskatchewan à l’Ontario en passant par des études en Californie aux États-Unis, cette enseignante chevronnée tient une longue et riche carrière dans le milieu l’éducation. Depuis Sudbury, elle contribue au rayonnement de la francophonie à travers le Canada et par ricochet dans le monde. C’est à juste titre qu’elle a été distinguée en 2019 au rang de chevalier de l’Ordre des Palmes académiques de la République de France.
« Cette reconnaissance que je n’ai pas demandée m’a surpris. Mais je pense que c’est le fruit de tout le travail que j’ai commencé en Saskatchewan et que je poursuis en Ontario à l’Université Laurentienne. Je dois admettre que je suis fière de cette reconnaissance internationale. C’est le caractère bilingue de la Laurentienne qui me permet en tant qu’anglophone de continuer à œuvrer en français ».
- Lace Marie Brogden, doyenne fondatrice de la Faculté d’éducation
Si cette reconnaissance internationale lui vaut beaucoup d’admiration et de fierté, toutefois Mme Brogden préfère se féliciter de la qualité du travail abattu chaque année par le corps professoral. Ces femmes et hommes qui, selon elle, sont « si dévoués » au projet éducatif à la Faculté d’éducation. Cette faculté qu’elle a vu naître et dont elle porte le titre de doyenne fondatrice. « Notre Faculté a été créée en 2016. Avant, l’École des sciences de l’éducation existait, mais elle était rattachée à la Faculté des écoles professionnelles », souligne Lace Marie Brogden, également membre du Conseil exécutif de l’Association canadienne des doyens et doyennes d’éducation (ACDE).
Du bouche-à-oreille, l’ÉSÉ est de plus en plus attirant…
Un an avant la création de la Faculté d’éducation en 2016, le baccalauréat pour la formation initiale en enseignement offert à l’Université Laurentienne est passé d’un an (30 crédits) à deux ans (60 crédits) en 2015 (selon le règlement ministériel) avec l’ajout de nouvelle matière comme le cours de diversité.
Nonobstant cette modification, l’École des sciences de l’éducation attire de plus en plus une diversité d’étudiants francophones en provenance de différentes provinces canadiennes et même hors du Canada. Selon la doyenne fondatrice, cet engouement s’explique par la réputation que l’ÉSÉ s’est forgée au fil des ans. « Le bouche-à-oreille fonctionne bien. Il est important pour nous de veiller à notre réputation et de veiller à l’expérience de nos étudiants afin que les gens aient toujours envie de venir et revenir étudier à la Laurentienne », souligne Lace Marie Brogden.
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Au dire de la première responsable de la Faculté d’éducation, les premiers ambassadeurs de l’ÉSÉ sont les étudiants. C’est en cela qu’elle félicite le Gouvernement étudiant de l’école des sciences de l’éducation (GEESE), qui essaie de créer un esprit de corps parmi les étudiants. « Depuis l’année dernière, le président du GEESE a fait beaucoup de travail. Je me suis rendu compte que ce regroupement estudiantin comprend de mieux en mieux son rôle de leadership qui, malgré son nom, n’est pas un gouvernement, mais représente les étudiants au Conseil de Faculté, ‘’fait valoir leurs intérêts’’, organise des activités pour le corps estudiantin », se réjouit la doyenne.
Appuyer les objectifs de carrière des finissants
Le batiment abritant l’École des sciences de l’éducation à l’Université Laurentienne de Sudbury. Ph : Dr
Au-delà de la réputation, l’ÉSÉ, l’Université Laurentienne fait face à un grand défi : celui d’appuyer les objectifs de carrière des étudiants en formation initiale en enseignement. Chose que Mme Brogden ne nie pas. D’ailleurs, elle plaide pour une adéquation entre les qualifications préalables des candidats à l’École des sciences de l’éducation et les paramètres d’octroi des brevets d’enseignement. « Nous avons des étudiants qui sont à l’option 1, qui auraient voulu être à l’option 2. Tout comme des étudiants à l’option 2 qui voudraient enseigner au niveau secondaire, mais qui ne répondent pas aux critères de sélection ontarienne, malgré leurs acquis obtenus hors du Canada », se désole-t-elle, et d’ajouter : « À la Laurentienne, on reconnaît les forces des gens qui veulent se lancer en enseignement ».
« Par exemple, quelqu’un qui a une licence en Génie civil obtenu à l’étranger. Parfois cette personne a fait cinq cours de mathématique. Mais pour être admissible à l’option 2, en ayant mathématique comme didactique, cette personne devrait avoir achevé six cours en mathématique. Or, la personne à un diplôme en génie, elle est capable de construire des ponts, mais on laisse sous-entendre qu’elle n’est pas assez capable en maths ! »
- Lace Marie Brogden, doyenne de la Faculté d’éducation
De l’avis de Mme Brogden, « le Canada prend du retard à reconnaître le portrait démographique de sa population ». Elle admet qu’il y a un problème au niveau de la reconnaissance des compétences acquises à l’étranger dans le système éducatif ontarien. « Je ne parle pas uniquement de la Laurentienne et de l’Ontario. Je parle du Canada en général. C’est un problème national, c’est un problème canadien. Il en est de même au niveau de la réconciliation, on traîne les pattes », regrette-t-elle, tout en encourageant le Canada à être “plus souple et plus généreux” envers ceux qu’on qualifie de « nouveaux arrivants ».
Reconnaissances des compétences, de qualifications préalables…
Alors que les étudiants de l’ÉSÉ constituent 9 à 10 % de la population étudiante francophone de la Laurentienne, la doyenne souhaite que le Canada “corrige” son retard à reconnaître le portrait démographique de la francophonie. « Notre population estudiantine est très hétérogène, je pense que c’est une richesse pour notre école et c’est quelque chose qui va avoir un impact dans les salles de classe », fait valoir Mme Brogden avant d’insister en ces termes : « Nous devons miser sur la question de reconnaissances, de qualifications préalables afin de permettre aux étudiants de poursuivre leur objectif de carrière, qui va changer au fil des années ».
Si Mme Brogden soutient que l’ÉSÉ est à l’avance de ce que font les écoles en matière de diversité, elle reconnaît, toutefois, que « les pratiques d’embauches des écoles ne reflètent pas encore les pratiques d’admission de la Laurentienne ». « Donc, poursuit-elle, ça sera aux Conseils scolaire de relever le défi aussi pour mieux refléter le portrait démographique actuel de la francophonie en Ontario ».
Parlant de salle de classe, il n’est pas superfétatoire de dire que les étudiants de l’ÉSÉ sont dans l’expectative pour ce qui est des stages à venir. Pendant que certains se disent confiant que les prochains stages se dérouleront en présentiel dans les salles de classe, d’autres attendent d’être rassurés par l’ÉSÉ. Mais la doyenne s’est montrée très prudente sur la question. « Je ne peux rassurer que les stages auront lieu ou pas en présentiel. Mais nous pouvons vous rassurer de notre appui pour accompagner tous les étudiants, quelle que soit la forme que prendra le stage », s’est défendu Mme Brogden.
Le travail non qualifié : un piège aux étudiants ?
Le baccalauréat en éducation est passé d’une année de formation à deux ans à l’ÉSÉ. Ph: Facebook ÉSÉ
Pendant ce temps, des étudiant.e.s lorgnent les contrats de suppléances dans les écoles en pannes d’enseignants. Mais la Faculté d’éducation ne démord pas! Lace Marie Brogden déconseille vivement aux étudiants d’accepter des emplois non qualifiés. Surtout, s’ils ne veulent pas compromettre leur future carrière d’enseignant.e. « La situation particulière des étudiants en formation initiale en enseignement, c’est que le travail non qualifié pourrait mettre en péril l’obtention du brevet de la part de l’Ordre. Il n’y a pas de loi qui interdit du travail non qualifié, mais il y a des règlements qui indiquent qu’on ne devrait pas faire du travail non qualifié. L’Ordre définit son mandat comme celui de protéger l’intérêt du public face à l’enseignement public », explique la doyenne de la Faculté d’éducation.
« Les pratiques d’embauches des écoles ne reflètent pas encore les pratiques d’admission de la Laurentienne. Les Conseils scolaires ont pour défi de mieux refléter le portrait démographique actuel de la francophonie en Ontario. »
- Lace Marie Brogden, doyenne fondatrice de la Faculté d’éducation de l’Université Laurentienne
Selon elle, les étudiants en formation initiale à l’enseignement ont des contraintes face au code de déontologie. « Si la faculté est au courant d’une situation dans laquelle un étudiant est impliqué, cela pourrait exiger la Faculté à ne pas offrir de stage dans une école », prévient Mme Brogden. D’ailleurs, elle souligne que « lorsque les étudiants sont en stage dans les salles de classe, ils sont aussi protégés jusqu’à un certain point par les fédérations et la faculté ».
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C’est à croire que même si la Fédération des enseignants n’autorise pas le travail non qualifié, elle ne le dénonce pas non plus. Est-ce pour autant la fin du monde? Pas vraiment, d’autant plus qu’il y a d’autres alternatives. « Le tutorat n’est pas interdit, parce que ce n’est un travail redevable à l’Ordre des enseignants, au Conseil scolaire, aux Fédérations et au Ministère de l’Éducation de l’Ontario. Il en est de même pour les camps d’été, les cours aux domiciles que les étudiants peuvent faire sans compromettre leur futur brevet », suggère la doyenne de la Faculté.
Test de maths, pas de panique!
On ne pouvait conclure cette entrevue sans aborder le sujet qui fâche certains étudiants : le Test de compétence en mathématique (TCM), devenu obligatoire depuis 2020. Sur la question, la doyenne de la Faculté d’éducation a encouragé les étudiants à « ne pas avoir peur des maths ». Selon elle, le Test de maths n’est pas un « défi insurmontable » et ne devrait pas empêcher des gens à se lancer dans le domaine de l’enseignement. « Il y a beaucoup de mythes autour des maths. Souvent, les mythes qui tournent autour des mathématiques sont uniquement des discours. Or, il faut faire la différence entre le discours et la réalité », dit Lace Marie Brogden, ajoutant qu’elle-même n’a « jamais eu peur des maths », parce que, « les maths ne sont pas si difficiles que ça ».
« On planifie pour que la planification se défasse. (..) Avec un bon plan, une bonne planification, on peut faire face aux imprévus »
« Courage, ne lâchez pas! », dit en substance la doyenne Brogden en saluant la résilience des étudiants face à la COVID-19, qui a occasionné la suspension des cours en présentiel de la Faculté d’éducation depuis le 12 mars 2020. « On planifie pour que la planification se défasse. C’est ce que j’ai toujours dit aux enseignants en formation, même aux étudiants quand j’enseignais. Juste pour dire qu’avec un bon plan, une bonne planification, on peut faire face aux imprévus. Cela nous permet de nous adapter. Je dois continuer à planifier même si je ne peux pas vous dire ce qui adviendra pour les stages. On ne sait pas encore avec le test de maths, pour les dates et les lieux, etc., mais on continue », a-t-elle conclu.
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