Aborder le futur de l’enseignement des mathématiques en Ontario
Un professeur d'éducation à l'Université Laurentienne, Luis Radford. Photo : courtoisie
Un tribunal de l’Ontario a déclaré le test de compétences en mathématiques obligatoire pour les nouveaux candidats en enseignement comme inconstitutionnel le 17 décembre 2021. La décision entraine une question : qu’est-ce que cela signifie pour l’enseignement des mathématiques en Ontario?
La cour divisionnaire de l’Ontario a statué que «l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario doit accorder la certification aux candidates et candidats à l’enseignement qui n’ont pas encore réussi le test, mais ont autrement satisfait à toutes les autres exigences de la certification», peut-on lire dans le rapport final.
La Cour divisionnaire de l’Ontario a cité dans son raisonnement qu’il existe des «disparités dans les taux de réussite des tests standardisés basés sur la race» et qu’il y a des «alternatives viables au test qui semblent moins gênantes et au moins aussi efficaces, comme effectuer un nombre minimum d’heures d’enseignement en mathématiques ou d’un cours de mathématiques pour un baccalauréat en éducation».
Un test sans pratique
Une idée proposée il y a de nombreuses années, le gouvernement de l’Ontario a officiellement commencé à imposer le test de mathématiques aux nouveaux enseignants à partir du 31 mars 2020. Toute personne voulant être accréditée pour enseigner en Ontario devait passer ce test, sans exception.
L’approche globale consistait à améliorer l’enseignement des mathématiques dans la province. Au cours des dernières années, le gouvernement de Doug Ford a fait connaitre sa position sur l’enseignement des mathématiques dans les écoles ontariennes et comment ils n’étaient pas impressionnés. Par exemple, les statistiques démontrent que seulement 50 % des élèves de 6e année ont atteint la norme en mathématiques en 2017.
Le gouvernement a réorganisé le curriculum de mathématiques. On a même ajouté la littératie financière comme partie obligatoire de l’éducation.
L’examen est divisé en trois grandes parties. Il faut obtenir une note de 70 % au minimum dans chaque partie. Les deux premières comportent 50 questions de mathématiques au total, allant du niveau de la 3e à celui de la 9e année. La dernière partie comprend 21 questions liées à la pédagogie et teste la compréhension du curriculum et d’autres guides pédagogiques du gouvernement de l’Ontario, comme Faire croître le succès et L’apprentissage pour tous.
Pour ce qui est de la préparation des étudiants à cet examen, il n’existe pratiquement aucun guide, sauf des tests pratiques à réaliser en ligne.
«Je trouve que c’était trop difficile pour un test pour lequel on n’a pas été suffisamment préparé», dit une étudiante en enseignement, Gabrielle Noëlle de Tilly à l’Université Laurentienne.
Fortes critiques
Les syndicats d’enseignement ont fortement critiqué le plan du gouvernement de l’Ontario, citant qu’il pourrait même aggraver la pénurie d’enseignants francophones. Ils s’appuient sur les données d’un rapport de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE) en 2019 qui confirmerait que le fait de faire passer un test de mathématiques aux nouveaux enseignants n’est pas la meilleure stratégie pour améliorer l’enseignement des mathématiques en Ontario.
«Bien que ces tests puissent recevoir le soutien des décideurs politiques, des éducateurs et du public, l’objectif fondamental de ces tests — améliorer l’apprentissage des étudiants — n’est souvent pas atteint», avait écrit l’agence.
Un professeur d’éducation à l’Université Laurentienne, Luis Radford, est en accord avec la position prise par le tribunal.
«Les programmes de formation initiale à l’enseignement sont périodiquement approuvés par l’Ordre des enseignantes et des enseignants de la province. Recevoir l’approbation ou l’agrément signifie que la formation proposée satisfait les exigences provinciales. Pourquoi alors ajouter un test de mathématiques?», demande-t-il.
Il croit qu’il s’agissait davantage d’un jeu politique. «Il faut chercher la réponse du côté de la politique du Parti conservateur. Ajouter un test de mathématiques sert simplement à essayer de montrer aux parents que ce gouvernement s’intéresse aux élèves. Il s’agit d’un coup politique qui ne fait que créer une procédure d’exclusion», dit-il.
Retour à la case de départ
Maintenant que le test n’est plus appliqué, la question de la qualité de l’enseignement des mathématiques reste. Comment peut-on mieux enseigner les mathématiques en Ontario? Selon quelques intervenants qui fréquentent la Laurentienne, le gouvernement de l’Ontario aurait pu faire les choses différemment.
«On aurait pu définitivement faire d’autres choses. Disons, si tu as de la difficulté avec une classe de 6e année, une conseillère pédagogique peut venir t’aider avec le test provincial», dit un élève en éducation, Nicolas Meilleur.
«Si le parti conservateur voulait vraiment améliorer l’éducation, il pourrait augmenter l’appui aux programmes de formation à l’enseignement et aux conseils scolaires», croit le professeur Radford.
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