Franco-Parole III: Baba plaide pour une francophonie à «visage humain»

Baba Fofana est rédacteur en chef sortant de L’Orignal Déchaîné. Il a gradué au baccalauréat en éducation au printemps 2021. Crédit : JORO Photography

Baba Fofana est rédacteur en chef sortant de L’Orignal Déchaîné. Il a gradué au baccalauréat en éducation au printemps 2021. Crédit : JORO Photography

30 ans après, le 3e colloque Franco-Parole s’est tenu du 23 au 25 juin 2021 en mode virtuel. Cette fois-ci, il s’agissait de débattre de la question des « Universités et l’avenir de la Francophonie » à partir de la crise qui secoue l’Université Laurentienne. C’est dans ce cadre qu’en ma qualité de rédacteur en chef sortant du journal étudiant francophone L’Orignal déchaîné, j’ai eu l’honneur de prendre part au panel des étudiant.e.s. À cette occasion, j’ai fait un plaidoyer en faveur d’une francophonie d’intégration à « visage humain ».

Créer une université par et pour le francophone à Sudbury! Tel est l’objectif principal du Franco-Parole III organisé par l’Université libre du Nouvel-Ontario (ULNO) en collaboration le Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) de l’Université d’Ottawa et l'Association de promotion et défense de la recherche en français (Acfas).

L’idée d’une université « entièrement francophone » est née à la suite de la compression de 28 programmes (environ 50%) de langue française annoncés le 12 avril 2021 par l’Université Laurentienne. Quand on sait que depuis près d’un siècle, les Franco-ontariens luttent pour la survie de l’éducation en français, la crise que traverse la plus grande institution universitaire du Nord de l’Ontario a démontré les limites d’un modèle d’université bilingue, et ce, dans un milieu où les francophones sont minoritaires.

Avant tout, je me défini comme « un soldat de la francophonie », prêt à la défendre là où le besoin se fera sentir.

L’Université Laurentienne est dite bilingue alors que la majorité des programmes sont offerts en anglais. En coupant 48% des programmes en français, les francophones doivent comprendre qu’ils doivent désormais prendre leur destin en main.

Un « soldat » qui défend une francophonie de valeur

Dans mon allocution, j’ai mis l’accent sur « l’union de tous les francophones » vivants en Ontario pour pouvoir aller de l’avant avec la création de la future université francophone du Nord de la province. Car pour moi, « si l’union fait la force », on ne peut parler de « l’avenir de la francophonie » sans l’apport de tous les francophones vivant en Ontario, quels que soient la couleur de la peau ou les accents des uns et des autres. On a l’impression qu’il y a d’un côté les francophones venus d’Afrique ou de la caraïbe et de l’autre côté les francophones de l’Ontario. Il y a une sorte de méfiance de part et d’autre qui n’honore pas la francophonie en Ontario.

Faut-il le souligner, depuis mon déménagement en 2019 à Sudbury, j’ai constaté que les Sudburois [francophones] sont très accueillants envers les nouveaux arrivants. Toutefois, un accueil chaleureux n’est pas forcément synonyme d’intégration. Pour ma part, je reste convaincu que la meilleure façon d’intégrer une personne dans une société, c’est de lui faire de la place en lui donnant une chance de prouver de quoi il est capable.

Alors qu’on parle de pénurie d’emploi, comment comprendre que des étudiants qui sont formés dans des programmes en français dans une Université à Sudbury, qui effectuent tout leur stage à Sudbury, mais qui ne parviennent pas à se faire embaucher à Sudbury, plutôt ailleurs dans le Sud-Est ou dans d’autres provinces? Autrement dit, devrait-on accueillir des gens à bras ouvert et entretenir un climat de peur ou de méfiance à leur égard?

Selon moi, beaucoup de francophones issues de l’immigration y compris les étudiants francophones ne se sentent pas intégrées parce qu’ils ne sont pas « considérés » comme des Franco-Sudburois ou Franco-Ontariens. Si au Québec on leur dit qu’ils n’ont pas la “culture québécoise” et qu’en Ontario on leur répète qu’ils n’ont pas la “culture franco-ontarienne”, je me demande s’il y a des compétences particulières à acquérir pour être considérés Franco-ontariens à part entière.

Mon intention n’est pas de prêcher pour ma chapelle ou de faire le procès de la francophonie ontarienne. Je veux juste appeler un chat un chat, dire les choses sans circonlocution afin d’amener chacun de nous à une prise de conscience collective face à une réalité dont on ne prête pas attention. Comme le dise si bien les coachs en développement personnel, “ce à quoi l’on résiste s’imprime et ce que l’on fuit nous poursuit”, mais “ce à quoi l’on fait face s’efface” au grand bonheur de tout un chacun.

Une francophonie « indivisible » sans distinction…

Cela dit, nous devons nous rendre à l’évidence que « la francophonie est indivisible », parce qu’il n’y a qu’une langue qui nous lie: le français. Par conséquent, il ne devrait pas y avoir des Franco-Québécois, des Franco-Africains, etc.. Tous les francophones vivant en Ontario devraient être considérés comme des Franco-Ontariens à part entière afin que ceux-ci ne se sentent pas marginaliser. Mon souhait n’est donc pas de voir une “francophonie de clan”, mais de faire en sorte que les francophones réussissent à créer un front commun autour des idéaux, des valeurs de diversité, de solidarité, de vivre ensemble pour faire renaître ce qu’il convient d’appeler une “francophonie à visage humain”. C’est à ce prix, à mon avis, que nous gagnerons les batailles futures.

 Pour la survie du français en Ontario, nous avons un choix à faire. Soit, nous décidons de nous sacrifier en arrachant pour de bon notre ‘’liberté francophone’’. Soit, nous décidons d’abdiquer tout en assumant une nouvelle assimilation. Si nous sommes à ce colloque virtuel Franco-Parole III, ce n’est certainement pas pour lancer des paroles en l’air. Mais nous devons nous inscrire dans l’action. Nous devons nous engager pour battre le fer qui est encore chaud. Nous avons les hommes et les moyens pour mener cette lutte pour non seulement nous affranchir, mais aussi pour gagner notre respect.

Parlant de ‘‘batailles futures’’, j’ai exhorté les francophones à s’inspirer de la lutte pour l’abolition du Règlement 17, qui interdisait l’éducation en langue française en Ontario. Nous devons savoir que la lutte est perpétuelle. Il n’y a jamais d’acquis pour la minorité francophone. Plus le français gagne du terrain, on a l’impression que sa survie est menacée. Les francophones doivent s’affranchir en devant maître de leur destin.

De ce qui précède, j’ai paraphrasé une citation d’un ancien président du Burkina Faso, Thomas Sankara (1984), en disant que « la minorité francophone qui n’est pas capable d’assumer sa liberté ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort ».

Qui suis-je?

Pour terminer, je tenais à rappeler que j’ai occupé le poste bénévole de rédacteur en chef de mai 2020 à juin 2021. Je me suis toujours impliqué dans les activités bénévoles visant à valoriser le français ou la francophonie au cours des dernières années. Entre 2014 et 2015, j’ai eu l’occasion de participer à un programme de volontariat international en Haïti pour le compte de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Entre 2018 et 2020, j’ai également travaillé en tant que journaliste bénévole pour le magazine Vision Croisée (faire la promotion du français comme langue de travail et d’affichage), édité par l’organisme Accueil aux Immigrants de l’Est de Montréal (AIEM), où j’ai reçu en octobre 2020 le 1er Prix du meilleur article de faits, prix décerné par l’Association des médias écrits et communautaires du Québec (AMECQ).

Baba I. Fofana

Rédacteur en chef de L’Orignal Déchaîné entre mai 2020 et juillet 2021, Baba fut également délégué aux médias francophones pour le compte de l’Association des étudiantes et étudiants francophones (AEF). De septembre 2019 à juin 2021, il a obtenu un baccalauréat à l’École des sciences de l’éducation de l’Université Laurentienne avant de poursuivre une maitrise en éducation à l’Université d’Ottawa.

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